Voici un article sur la transplantation corallienne dont EMR est à l'initiative et qui est paru dans le journal le Monde du 3 février 2009 :

En Nouvelle-Calédonie, les géants du nickel déplacent les coraux pour ne pas les détruire


Peut-être les dieux ont-ils été trop généreux ? Non seulement la Nouvelle-Calédonie abrite près d’un quart des ressources mondiales de nickel, mais elle est aussi sertie d’une barrière de corail, qui a reçu en juillet dernier le label de patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco. Faire cohabiter l’exceptionnelle biodiversité du Caillou et une industrie lourde est un défi.
Pourtant, ce voisinage contre-nature engendre parfois d’heureuses initiatives. Afin de limiter la destruction des coraux, plusieurs majors du nickel, qui ont élu domicile dans l’archipel, se sont lancés dans des opérations de transplantations coralliennes. « La première tentative remonte à 1979 à Hawaï, mais cette technique est toujours expérimentale, à cause de la complexité de cet écosystème et de la difficulté d’appréhender l’impact des actions humaines. Seul un petit nombre d’applications existent de par le monde », explique Sabrina Virly, co-gérante du bureau d’études « Environnement de la Mine et du Récif » basé à Nouméa. A sa connaissance aucune expérience n’avait été jusqu’alors réalisée dans le cadre de l’industrie minière.
En 2006, le géant brésilien Vale, qui achève la construction dans le sud de la Nouvelle-Calédonie d’une usine métallurgique de nickel d’une capacité de 60.000 tonnes annuelles, a essuyé les plâtres. L’unité est implantée en bordure d’une somptueuse baie du Grand sud calédonien, au richissime patrimoine naturel. Et son chantier a alimenté moult conflits et polémiques avec les populations locales kanakes et les associations écologiques. A la demande des autorités, Vale a « compensé » les destructions induites par la construction d’un port puis du trafic maritime, en transplantant 2.000 colonies coralliennes, dans des zones protégées. Munis de marteau et de burin, des scientifiques, encadrés par Sandrine Job, ingénieur en écologie récifale, ont détaché les coraux du fond sous-marin. Entreposés dans des caisses arrosées en permanence, les coraux ont ensuite été réimplantés. « On fait du jardinage, en recréant des paysages sous-marin. On utilise du ciment pour fixer les coraux au substrat », indique Sandrine Job. Trois ans plus tard, 90% des coraux transplantés ont survécu mais par endroits, leur stress a attiré des étoiles de mer, qui les ont envahies. Plus au nord, à Vavouto, l’anglo-suisse Xstrata a lui aussi compensé en juillet dernier une partie des dommages, engendrés par le creusement d’un chenal de 5 km de long pour le port de son usine, prévue d’ici 2012. Dans cette zone, l’opération s’est avérée plus délicate. « Il y avait des pinacles coralliens de 10 à 12 mètres de haut, avec des colonies de plusieurs mètres de diamètre, datant de centaine d’années et d’une valeur écologique inestimable », se souvient Sabrina Virly. Les coraux ont ainsi été détachés avec une scie hydraulique, puis « emmaillotés » et remorqués à l’aide d’énormes bouées. « Sur les deux sites récepteurs qui vont être suivis pendant 5 ans, l’un a bien pris, tandis que l’autre a souffert de destructions, vraisemblablement causées par des gros poissons, tels des perroquets à bosse, qui ont donné des coups de dents dans les transplants ».
Alors que ces initiatives ont été très médiatisées par les industriels, les écologistes jugent cependant qu’elles sont un peu l’arbre qui cache la forêt. D’autant que, malgré un texte modernisé en cours de rédaction, la législation minière, qui date des années 1950, est largement obsolète en Nouvelle-Calédonie.
« C’est mieux que de ne rien faire. Mais il faut que les collectivités aient les moyens d’imposer des compensations, à surface égales. C’est un raisonnement qu’on a avec le carbone, il faudra y venir pour tout l’environnement », estime Raphaël Mapou, leader du comité autochtone Rheebù nùù.

Claudine Wéry

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